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Troupeau de moutons en hiver Laines Paysannes
Tondre les brebis en hiver

Bien qu’elle soit effectuée surtout au printemps, la tonte des brebis peut avoir lieu quasiment toute l’année. Cela dépend principalement des territoires (et de leur climat) et des modes d’élevages.

On vous raconte !

Troupeau de moutons en hiver Laines Paysannes

Du mouflon au mouton

Tout d’abord, la tonte des moutons ne date pas d’hier puisqu’il faut remonter à la domestication de son ancêtre le mouflon il y a des milliers d’années. On en a trouvé des preuves dès la préhistoire en Asie mineure (vers 10 000 ans avant JC), ils fournissaient déjà nourriture, vêtements et abris aux humains. Il a même été démontré que l’ancêtre de nos races de moutons actuelles provenait de Mésopotamie, car les premières traces de domestication du mouflon se retrouvent évoquées dans des sculptures iraniennes datant de neuf à dix mille ans.

L’histoire de l’utilisation de la laine de mouton passe donc par l’évolution des races ovines. A l’origine, la toison primitive du mouflon était composée de diverses fibres, notamment du poil, du jarre et de la fibre de laine. Mais pas encore besoin de tonte puisque les fibres étaient renouvelées chaque année grâce à la mue naturelle de l’animal. C’est grâce à la sélection génétique réalisée par les humains au fil des siècles et au gré des territoires que les races ovines et leurs toisons se sont dessinées. C’est aussi cette sélection qui a effacé la mue du mouflon au profit de la récolte humaine des fibres du mouton chaque année. Depuis lors, la tonte des moutons est devenue partie intégrante de nombreuses cultures. Désormais, elle a permis de récolter et d’utiliser la fibre de laine à travers le monde. Certaines légendes témoignent même de la valeur de cette fibre, comme celle de Jason et la toison d’or, racontée par Homère dès l’antiquité.

C’est beaucoup plus récemment (à l’échelle de cette histoire) que la révolution industrielle a fait basculer nos sociétés d’un monde agraire et artisanal à celui d’un monde mécanisé, dont la production de biens manufacturés à grande échelle a préféré les fibres uniformisées.

La tonte, entre soin du troupeau et récolte de matière

Tondre un mouton, en quoi ça consiste ?

La laine est une fibre à croissance continue, c’est à dire qu’elle pousse toute l’année. La tondre permet alors, au moins une fois par an, de déshabiller les moutons de leur manteau de laine à l’aide d’outils spécifiques.

Cette étape indolore (c’est un peu comme aller chez le coiffeur) est nécessaire afin de préserver leur bien-être. Car quand la laine est trop abondante, elle peut handicaper la motricité des bêtes et contribuer à la prolifération de parasites.

Pour en savoir plus sur cette étape importante, voici un article de blog dédié.

Tondre les brebis en hiver

Comment ça se passe ?

Les tondeurs-euses se déplacent de ferme en ferme pour tondre les troupeaux en extérieur ou en bergerie. Ils apportent leur propre équipement : le plancher sur lequel les brebis à déshabiller seront assises, une tondeuse électrique raccordée à une potence par un flexible ou un cardan qui permettra des mouvements fluides, les peignes et contre-peignes qui vont servir à couper la laine. Parfois, la tonte est encore effectuée sans moteur, à l’aide de grandes cisailles appelées forces à tondre. Chaque brebis sera tondue une par une et avec soin, en quelques minutes pour éviter le stress.

Si vous souhaitez étoffer vos connaissances en la matière, il existe en France l’Association des Tondeurs de Moutons (ATM), le lien est  ici

La tonte, savoir-faire ou sport ?

La tonte est une pratique physique, et il existe des championnats organisés en France et au niveau mondial. Cette année, les qualifications pour la France ont lieu à « Le Dorat », le 25 juin 2023, pour une participation au mondial de 2023 à Edimbourg en Ecosse. En revanche, toutes les personnes qui tondent ne participent pas forcément à des concours. La tonte requiert une pratique assidue et beaucoup de savoir-faire. Plus la manipulation des brebis sera précise (et ça s’apprend!), plus la tonte sera fluide. Mais c’est aussi une pratique agricole nécessaire pour le bien-être des animaux. Au-delà d’un savoir-faire ou d’un sport, la tonte demeure un réel métier.

Que fait-on de la laine ensuite ?

Cela a été évoqué plus haut, l’industrialisation de la filière textile a nécessité des fibres uniformisées et produites en grandes quantités. Puis sont arrivées les fibres synthétiques, qui de par leur faible coût et leur standardisation, ont largement concurrencé les fibres naturelles. Plus coûteuses et trop “vivantes” pour l’industrie.

Résultat, la laine représente moins de 2% des fibres utilisées dans le monde aujourd’hui et nos races de moutons françaises voient leur laine majoritairement exportées dans les pays d’Asie. A l’issue de la tonte, une grande part des élevages vendent leur laine à bas prix en coopérative ou à une filière de négoce pour des débouchés internationaux. Pourtant, les grands avantages qualitatifs et écologiques de fibres naturelles ne sont pas tombés aux oubliettes ! Face aux enjeux sociaux et environnementaux cruciaux que nous connaissons, de plus en plus d’initiatives locales se restructurent et créent de nouveaux débouchés. Parfois, les fermes vendent à meilleur prix leur laine à des projets locaux. Parfois, les éleveurs et éleveuses s’organisent ou s’associent pour valoriser leur laine eux-mêmes ou collectivement.

Pour découvrir des initiatives d’éleveuses, rendez-vous sur notre article de blog Valoriser les laines locales à plusieurs

Cette question a été le point de départ de Laines Paysannes. Nous prenons le temps de réaliser nos vêtements, nos accessoires et nos tapis dans le respect du rythme de production de la laine par les moutons, créer du lien avec des éleveurs locaux et dynamiser notre territoire. Et le choix de la période de tonte fait aussi partie des éléments essentiels pour produire une laine de haute qualité.

Alors, les brebis vont-elles s’enrhumer si on les tond en hiver ?

Et bien justement non ! pas si les choses sont bien faites.

Troupeau brebis en hiver en bergerie

La base

La laine est thermorégulante, elle protège du chaud comme du froid. Elle est donc utile toute l’année pour protéger les troupeaux de l’humidité, mais aussi des intempéries, du vent et du soleil, des températures basses ou élevées. Quand il fait très chaud, les brebis mangent moins, recherchent l’ombre et chôment (ça veut dire qu’elles font la sieste). En fait, leur seuil de tolérance au froid est différent du nôtre puisque leur température de confort sans laine est comprise entre 5°C et 12°C. Alors à condition d’avoir un abri pour se protéger du vent et de l’humidité ou une bergerie fermée en plein hiver, un mouton qui vient d’être tondu n’a pas froid.

Quelle est la meilleure saison pour tondre ?

Cela va dépendre de beaucoup de critères, selon la race du troupeau bien sûr, mais aussi du climat, de la date d’agnelage, du mode d’élevage, notamment si le troupeau est transhumant, et des impératifs de gestion des éleveurs et éleveuses en général.

Quand il fait froid, la tonte est souvent réalisée au sabot, ce qui signifie que les brebis ne sont pas tondues à ras pour leur laisser un peu de laine sur le dos. C’est plus confortable ! L’important est de partir du principe que le choix de la période de tonte est pensée en faveur du bien-être du troupeau.

Alors quels sont les bienfaits de la tonte en hiver ?

Tout d’abord, cela peut-être confortable pour les troupeaux qui passent l’hiver en bergerie. Tout bêtement, cela va permettre de gagner de la place ! Aussi, les brebis débarrassées de leur toison auront une peau qui pourra mieux respirer. En bergerie, quand le troupeau est rassemblé et qu’il fait chaud et humide (même en hiver), le contexte est idéal pour le développement des parasites et des acariens. Moins de laine dit moins d’endroits douillets pour se cacher. D’un point de vue sanitaire, la tonte en hiver est donc très intéressante.

Pour l’éleveur-euse, cela permet aussi de mieux distinguer l’état sanitaire de chaque brebis et ainsi de mieux prévenir d’éventuels problèmes de santé.

Si l’agnelage a lieu en fin d’hiver ou au début du printemps et que la race est très lainée (comme la Mérinos par exemple), cela peut permettre aux agneaux d’accéder plus facilement aux mamelles pour téter. C’est la même logique avec certaines races de brebis laitières très lainées (comme les Manech ou les Basco-Béarnaises) qui sont tondues à l’automne avant la traite. Les mamelles sont ainsi plus accessibles et plus faciles à nettoyer.

Quand les troupeaux transhument, c’est-à-dire qu’ils passent l’été en montagne, il est souhaitable que les troupeaux soient un peu lainés pour se protéger des intempéries et des amplitudes thermiques d’altitude. La tonte d’hiver permet d’avoir une repousse conséquente avant la transhumance de début d’été !

Troupeau brebis Laines Paysannes transhumance

Et la laine dans tout ça ?

La meilleure période de tonte, pour la qualité de la laine, va encore une fois dépendre des pratiques d’élevage.

La laine peut-être fragilisée par les périodes d’élevages car les brebis vont consacrer la majeure partie de leur énergie dans la lactation pour nourrir leur agneaux. Cela peut rendre la laine feutrée ou cassante.

Alors l’idéal, c’est une laine tondue avant l’agnelage, et si possible, avant de rentrer en bergerie pour une propreté au top.

De notre petite expérience, les laines tondues en hiver sont souvent les plus qualitatives.

En conclusion, pas d’inquiétude à avoir, au contraire!

Une belle laine est avant tout issue d’un troupeau en bonne santé. Les éleveurs et éleveuses ont choisi ce métier pour partager leur quotidien avec leurs animaux. Tout est donc pensé pour veiller au maximum à leur confort et à leur bien-être !

Sources : “Les Moutons et la Laine en Europe”, Betty Stikkers, Diderica Westerveld, Therese Akkermans ; Association des tondeurs de moutons site ; Témoignage d’Alexandre Lamy, éleveur.

1 Comment

  • Floriane

    ,
    8 mars 2023 @ 9h28

    Super instructif cet article ! C’est facile de tirer des conclusions hâtives quand on ne connait rien ou pas grand-chose sur un sujet, et ce texte aide à remettre l’église au milieu du village !

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